- ORLÉANS (MARIE D’)
- ORLÉANS (MARIE D’)ORLÉANS MARIE D’ (1813-1839)La renommée de Marie d’Orléans sculpteur a sans doute souffert d’une parenté glorieuse. Marie-Christine-Caroline-Adélaïde-Françoise-Léopoldine d’Orléans, fille de Louis-Philippe et de Marie-Amélie, née à Palerme en 1813, épousa en 1837 le duc Alexandre de Wurtemberg, général au service de la Russie comme l’avait été son père et dont la mère était Saxe-Saalfeld-Cobourg, et mourut deux ans plus tard à Pise, laissant un fils en bas âge. L’histoire des cours n’a rien retenu d’autre. Or Marie d’Orléans laisse une œuvre, restreinte, mais passionnante pour l’évolution de la sculpture romantique. Elle compte parmi les femmes pionnières dans l’histoire de la sculpture, comme Félicie de Fauveau, farouche légitimiste, ou, à la fin du siècle et dans un autre style, Camille Claudel.Les enfants de Louis-Philippe ont été élevés dans le goût des arts et parmi les collections de leur père, notamment la célèbre galerie espagnole du Palais-Royal: l’héritier, Ferdinand, est ami de nombreux peintres, notamment Ary Scheffer; François, prince de Joinville, pratique l’aquarelle et le duc d’Aumale collectionne les trésors qu’il installera plus tard à Chantilly avant de les léguer à l’Institut de France.C’est précisément sous la direction d’Ary Scheffer que Marie apprend le dessin dès l’âge de douze ans. Le peintre, à qui les convenances ne permettent pas de faire travailler la petite altesse royale devant le modèle vivant, en vient à lui conseiller le modelage, pour lequel elle se passionne. Fier des succès de son élève, Ary Sheffer fit le portrait de Marie d’Orléans dans son atelier (Museum of Art, Cleveland), où elle pose dans une robe très simple, le ciseau à la main. Ses premières œuvres illustrent l’Ahasvérus d’Edgar Quinet, inspiré par la légende du juif errant (Ahasvérus retrouve Rachel au milieu du chœur des femmes ressuscitées , musée de Brou, Bourg-en-Bresse). Ses œuvres historiques connaissent un grand succès, en partie politique, qui sera cause de leur oubli après 1848: en particulier la Jeanne d’Arc en prière , commande de son père pour les galeries historiques de Versailles (marbre par Trouchaud, praticien attitré de Marie d’Orléans, 1837, Musée du château de Versailles, reproduit ensuite en bronze, en plâtre, en réduction...) et dont la popularité est équivalente au Henri IV enfant de François-Joseph Bosio sous la Restauration (1824, Louvre). Dominant le tableau d’Ary Scheffer on reconnaît l’Ange de la résignation (tombe de Marie d’Orléans, Chapelle royale de Dreux). L’Ange du repentir (chapelle Saint-Ferdinand, intégré au cénotaphe de Henri de Triqueti pour le tombeau de Ferdinand d’Orléans, Neuilly-sur-Seine) en constitue le pendant. Marie d’Orléans fit dans les années qui précédèrent son mariage un certain nombre de petits groupes: Jeanne d’Arc pleurant à la vue des blessés (fonte d’Honoré Gonon, 1835, coll. privée), peut-être démarqué du Charles VI dans la forêt du Mans de Barye (Salon de 1833), Jeanne en armure (esquisse en terre cuite, Dortdrechts Museum), Jeanne d’Arc en habits de paysanne (ibid. ).On peut distinguer, dans l’entourage de la famille d’Orléans, un groupe de sculpteurs brillants, socialement très lancés, au sein duquel s’intègre Marie: Henri de Triqueti (1804-1874) qui fut un des pionniers du «style antiquaire», Alfred-Emilien de Nieuwerkerke (1811-1892), futur directeur général des Musées de France et surintendant des Beaux-Arts du second Empire, et Charles Marochetti (1805-1867), Piémontais d’origine comme Triqueti, qui travailla après la révolution de 1848 en Angleterre et fut protégé par la reine Victoria. Tous constituent un groupe aristocratique qui remet en honneur les décors médiévaux, comme le fait à la même époque, en architecture et dans la décoration, Félix Duban. Marie d’Orléans avait fait aménager ses appartements des Tuileries, qui comprenaient bien sûr un atelier, dans le style néo-gothique, avec des meubles sombres et massifs, des tentures de damas cramoisi, des bronzes, des lutrins. Les tableaux de Prosper Lafaye qui représentent les lieux (1842, Musée du château de Versailles, Musée des Arts décoratifs, Paris) montrent un bric-à-brac romantique, composé d’un mélange de pièces de commande et d’éléments anciens que Marie d’Orléans allait parfois chiner elle-même jusqu’à Gand, chez sa sœur Louise, reine des Belges. Des parties de ce mobilier néo-gothique, léguées à Ary Scheffer, figurent aujourd’hui encore dans les collections de la famille de Wurtemberg. Le pillage des Tuileries durant la révolution de 1848, s’il inspira à Flaubert une célèbre scène de L’Éducation sentimentale , fut fatal à l’œuvre de Marie d’Orléans, détruisant ce qui restait de son fonds d’atelier, que sa mère avait pieusement conservé et entretenu. L’incendie de sa maison à Gotha fut l’autre catastrophe qui fait qu’il est très difficile de restituer aujourd’hui son catalogue complet.La réévaluation de son œuvre, à l’occasion notamment de l’exposition consacrée à Un Âge d’or des arts décoratifs 1814-1848 , en 1991 au Grand Palais (notices sur le sculpteur par A. Dion-Tenenbaum et I. Lery-Jay Lemaistre) est récente et il est possible que des œuvres puissent encore être découvertes ou attribuées à l’artiste.
Encyclopédie Universelle. 2012.